Alors que Splinter Cell Blacklist vient tout juste d'être annoncé, je décide de m'attaquer au très estimé Chaos Theory, en version HD sur PS3. Véritable porte-étendard d'un genre en perdition égaré dans l'avalanche de jeux à fusillades décérébrées, les aventures de Sam Fisher font partie de ces trop rares expériences qui récompensent l'observation et la planification plus que la surenchère d'hémoglobine projetée. A 10€ sur le PSN, l'investissement est honnête.
J'ai été pris d'un soudain désir de Splinter Cell, d'un coup, comme une violente envie de pisser. Mon choix s'est tourné sur le troisième opus, guidé par les échos positifs à son égard, et s'il y a bien une chose qui m'a marqué d'entrée, c'est la modélisation graphique saisissante. Si les visages et les CG restent peu convaincants à l'évidence, le travail sur les jeux d'ombre et de lumière et la finition des textures des environnements sont tout à fait stupéfiants - pour un titre de la précédente génération de consoles - qui a soufflé ses sept bougies. Il est même amusant de constater que certains jeux de la génération actuelle peinent à reproduire un rendu équivalent sur certains aspects.
La réussite sur le plan visuel ne masque cependant pas la présentation narrative plutôt pauvre, quelque peu nébuleuse durant une part importante de son déroulement, mais aboutissant cela dit à des révélations finales auxquelles on ne s'attendait pas forcément. Mais bref, globalement Sam Fischer est un super gars chargé de sauver le monde, au compte des USA, d'une troisième guerre mondiale. Il fait le boulot, puis rentre au bercail. Pas d'envolées théâtrales turbulentes sur fond de philosophie de comptoir, pas de boss qui raconte sa life pendant une demi-heure, pas de logorrhées diarrhéiques étouffantes, le scénario est concis, relativement expéditif. Pas très intéressant aussi, mais on s'en fout : on veut infiltrer de la base coréenne et tuer du mercenaire à coup de silencieux !
Sam dispose d'un arsenal de dissimulation plutôt complet. Les lunettes thermiques et à vision nocturne facilitent la nécessité d'appréhender différemment l'espace et octroient un avantage tactique efficace contre ses adversaires. Les quelques types de munition proposés permettent de pallier à divers cadres de situation donnée. Si les balles électrisantes sont utiles pour mettre KO un ennemi rapidement, le jet de micro-caméras par l'intermédiaire du fusil offre lui la possibilité de neutraliser plusieurs ennemis par l'évacuation d'un gaz toxique.
Splinter Cell fonde son game system sur un jeu de cache-cache très ludique. La traversée des niveaux se fait sur la capacité du joueur à slalomer entre les zones de lumière : rester dans l'ombre est le maître mot de Sam pour éviter de finir à la broche. L'indicateur de visibilité de l'espion, et la jauge d'intensité sonore générée par ses mouvements conditionnent une bonne exploitation du gameplay. Sam pourra tricher en désactivant à distance avec son appareil électronique les ampoules électriques un peu trop gênantes, voire les détruire (bruyant, donc peu conseillé) ou même... presser l'interrupteur pour les éteindre (clairement moins épique, mais diablement efficace).
La formule fonctionne, on combine l'utilisation du matériel mis à disposition avec l'exploitation du level-design pour donner lieu à une certaine variété de situations d'infiltration qui peut jongler de l'esquive recherchée du contact avec l'ennemi à la neutralisation pure et simple de celui-ci, il y a toujours différentes manières d'appréhender les circonstances. Les ennemis sont parfois un peu aveugles, pourvu que la jauge de visibilité soit à son minimum, l'ennemi de nous verra pas, même s'il on est 2 mètres devant lui. D'autant que les trois loupiotes lumineuses des lunettes rayonnant sur le front de Sam me paraissent aussi furtives que la Tour Eiffel un soir de jour de l'an. Mais bref, l'incohérent semble ici être mis au service du ludique, il ne s'agit pas tant de déceler ce que l'ennemi est logiquement censé voir ou non que d'identifier quelles sont les zones sécurisées par la présence d'une obscurité suffisante. La sauce prend, et on s'amuse.
Cependant, la perfectibilité de l'IA est plus exaspérante dans d'autres situations. Il est parfois possible d'assomer un garde par une balle électrique devant les yeux d'un autre sans que ce dernier ne s'en aperçoive pour peu que les conditions de luminosité soient un tant soit peu moins aveuglantes qu'une journée d'été. Il peut arriver que tout l'étage soit alerté parce-qu'un ennemi nous a vu l'espace d'une demi-seconde avant de se faire éliminer. Les gardes de l'étage du dessus peuvent à certaines reprises nous entendre marcher tandis qu'ils n'entendront pas, à deux pas de leurs pieds, l'un de leurs collègues tomber comme une merde après s'être pris une balle annulaire dans la nuque. Le système d'alarme n'est d'ailleurs pas des plus inspirés tant son déclenchement a si peu d'impact sur le comportement global des gardes dans les bâtiments. Ça en devient même rigolo lorsque l'on garde à l'esprit dans la mission 3 que l'on doit cambrioler une banque.
Le second gros défaut du jeu tient dans son level-design. Pour faire simple, chaque niveau est un couloir déguisé. Le cheminement est affreusement balisé même si la map semble prétendre le contraire. Cette map est d'ailleurs particulièrement anecdotique (en plus d'être peu pratique à utiliser) tant la progression est terriblement linéaire. Les développeurs nous obligent à suivre le chemin pré-tracé qu'ils ont imaginé, la chose est regrettable tant elle contredit l'un des principes moteur du jeu : l'observation. Là où un Hitman réussit totalement avec ses multiples ouvertures, en nous forçant à analyser la map, à repérer les alentours, à préparer nos approches, et à planifier nos opérations, Splinter Cell nous étouffe littéralement avec sa trajectoire qui semble être parsemée de panneaux de signalisation indiquant la direction à suivre.
J'ai mis quatre étoiles, même si en réalité, je l'estime plus à trois et demi. Splinter Cell Chaos Theory est un bon titre dans un style de jeu trop peu représenté à mon goût de nos jours. Efficace, agréable, mais pas parfait, il reste cependant une valeur sûre de l'infiltration.